210                      Les Spectacles de la Foire.
C OMÉDIE DE SOCIÉTÉ. Bien que les théâtres particu­liers ne rentrent pas dans le cadre de ce volume, on n'a pas cru néanmoins devoir en exclure le document qu'on va lire, à cause de l'aventure burlesque qu'il retracé. — Il existe ùne étude bien faite du théâtre de société dans les Curiosités théâtrales, p. 56, intéressant travail dû aux recherches de M. V. Fournel.
L'an 1763, le 22 janvier, une heure du matin, nous Antoine Joachim Thiot, etc., ayant été requis, nous fommes tranfporté en la maifon de meflîre Chri-ftophe-Louis Pajot de Villers, chevalier, life grande rue Taranne, faubourg St-Germain, paroiffe St-Sulpice, où étant et monté dans une falle aux entre-foies ayant vue fur la rue, nous y avons trouvé mondit fleur de Villers, de­meurant en icelle : Lequel nous a dit que le jour d'hier il a fait repréfcmer deux divertiffernens ou pièces de théâtre dont une étoit le Devin du village et l'autre la Bohémienne (1), fur un théâtre conftruit dans fa maifon ; que ce fpectacle a commencé fur les fept heures et a fini fur les dix heures ; qu'à ce fpectacle étoient entre autres, M. le prince de Marfan, M. le prince de Salm, M. le comte de Landron, M1-- la marquife d'Asfeldt, Mra- la comteffe d'Hum-bek, Mm- la comteffe d'Albert, M. le comte de Joyeufe, M. le marquis de Soyecourt et autres perfonnes de qualité ; qu'auffitôt la fin du fpectacle la toile a été baillée ; que quelques perfonnes de celles fufnommées fortirent ; que les autres étant encore dans la falle, le cocher de mondit fleur de Villers s'avifa de monter fur le théâtre, d'y défaire fa culotte, de fe préfenter vers la toile dans le deffein d'y faire voir fon derrière à nu aux perfonnes qui reftoient encore dans la falle; qu'alors le nommé Capolin, nègre, âgé de 13 ans, au fervice de mondit fleur de Villers, étant alors fur le théâtre, leva la toile de façon que les perfonnes reliantes virent à nu le derrière de ce cocher qui s'étoit courbé dans ce deffein et qui même a claqué fés mains deffus pour le faire apercevoir; qu'en effet tous ceux qui reftoient dans ladite falle ont vu, à leur grand étonnement, une impudence auffi grande, ce qui a fi fort révolté ces perfonnes qu'elles fe font fur-le-champ retirées en fe plaignant beaucoup d'un fi grand fcandale; que dans ce moment mondit fieur de Villers recon-duifoit quelqu'un et étoit fur l'efcalier lorfqu'on vint lui apprendre cette infulte faite à lui, à fa maifon et aux perfonnes qui y étoient ; qu'il courut à l'inftant fur ledit théâtre où il trouva fondit cocher, fon frotteur et ledit
(1) Le Devin du village, intermède en un acte, paroles et musique dc J.-J. Rousseau, fut repré­senté pour la cour,Fontainebleau, cn octobre 1752, et avec beaucoup de succés a l'Académie royale de musique le 1" mars 1753. Quant a la Bohémienne, il existe dans le répertoire de l'ancien Opéra-Comique deux piéces dc ce nom : 1° ln Bohémienne, pantomime qui fut représentée a Ia foire Saint-Germain, cn 1747, par la troupe pantomime qui jouait alors sur le théâtre de l'Opéra-Comique, momentanément supprimé, et 2° la Bohémienne, parodie de l'intermède italien la Zin~. gara, représentée à Ia foire Saint-Laurent, le 14 juillet 1756. Selon toute vraisemblance, c'est de -cette pièce qu'il s'agit dans le document publié ici.